L’avènement des réseaux sociaux et du digital ont amené les médias à repenser leurs moyens de diffusion. Il a notamment vu la création d’un nouveau type de média : les pure-players, uniquement présents sur internet. Certains d’entre eux sont même allés plus loin en limitant leur présence aux seuls réseaux sociaux. Ils proposent des contenus courts en vidéo, format phare du web social, avec des sous-titres ou sous forme de vidéo live, s’éloignant du format télé traditionnel incarné par un présentateur. Dans ce blogpost, OneChocolate fait le tour de ces nouveaux médias 100% vidéo, digitaux et sociaux dont le concept, né aux Etats-Unis, envahit progressivement la France.
Le pari digital et social
Ils s’appellent Brut, Explicite ou encore Monkey et ils cartonnent sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête. Leur cible ? Les 15-35 ans, cette génération qui a grandi avec internet et utilise les réseaux sociaux pour trouver et relayer de l’information. Tout commence en octobre 2016 lorsque MinuteBuzz décide d’abandonner son site internet pour se consacrer exclusivement aux réseaux sociaux. Cette annonce audacieuse ouvre la voie à un nouveau modèle et est suivie de peu par les lancements de Brut en novembre 2016 et Explicite en janvier 2017.
Succès garanti pour ces nouveaux médias puisqu’ils vont chercher les audiences directement là où elles sont, à savoir sur les réseaux sociaux (actuellement la plus grande source en termes de volume) mais aussi parce que se lancer dans le contenu « désincarné » coûte moins cher que la télévision. Les séquences utilisées sont très souvent filmées par des téléphones portables ou des appareils photos, les coûts de diffusion sont moindres et les infrastructures nécessaires moins lourdes.
MinuteBuzz et Brut ont tous les deux fait le pari du « native advertising » : il s’agit d’un type de publicité, principalement en ligne, qui s’harmonise avec un contenu éditorial classique sur lequel elle apparaît. En effet, il s’agit d’un tremplin supplémentaire pour les marques afin de toucher leur cible principale. MinuteBuzz va même jusqu’à proposer aux marques de réaliser ce contenu vidéo en marque blanche, afin qu’ils soient diffusables sur les plateformes sociales. Brut, lui, s’est associé à France Télévisions, qui s’occupe de commercialiser les espaces publicitaires de ses vidéos sur les réseaux sociaux et les plateformes du groupe.
Une ascension fulgurante
Ces pure-players enregistrent des chiffres record : Brut, c’est par exemple 1,4 milliard de vues sur l’année 2017. Même si le média n’est pas encore rentable, il s’est lancé aux Etats-Unis en novembre dernier et cherche à boucler une levée de fonds de 10 millions d’euro pour soutenir son rapide développement. Quant à MinuteBuzz, l’entreprise compte plus de 70 salariés et revendique plus de 350 millions de vues par mois sur l’ensemble des réseaux. Après l’acquisition d’une participation majoritaire par le groupe TF1 en décembre 2016, le média continue son ascension et a lancé Fraîches à l’été 2017, positionné comme le premier média féminin social vidéo « qui parle à toutes les femmes, en les montrant telles qu’elles sont vraiment ».
Très dépendants des réseaux sociaux, ces nouveaux médias évoluent au rythme des mises à jour de ces derniers, qu’ils se targuent de mieux anticiper que les médias traditionnels. Ainsi, alors que le récent changement de l’algorithme Facebook concernant le contenu mis en avant dans les fils d’actualité devrait fortement pénaliser les médias qui avaient jusqu’alors beaucoup investi dans le réseau pour relayer leurs articles et attirer du trafic vers leur site, les pure-players, eux, se sont réjouis de l’annonce. Dans une interview accordée à L’ADN, Maxime Barbier explique que ce changement n’impactera pas MinuteBuzz puisque les contenus créés sont déjà fortement partagés par les lecteurs, et qu’ils continueront de l’être, d’autant plus que le média et d’autres du même genre sont très proches des dirigeants européens de Facebook.
Vers un mix entre incarné et désincarné ?
Si l’engouement pour les pure-players et les formats courts est indéniable, le caractère parfois superficiel et réducteur de l’information proposée est sujet à critique. Ainsi, le dernier « média 100% digital » à avoir vu le jour est Gneu. Son concept ? Reprendre le contenu posté par Brut en y modifiant les sous-titres par des « Gneu gneu gneu gneu ». Une critique ouverte des formats courts 100% vidéos, qui préfèrent l’information brève en quantité à la qualité et la profondeur d’analyse. En somme, des vidéos qui s’apparentent plus à de l’infodivertissement qu’à une source d’information sérieuse. En deux semaines à peine, le compte Twitter de Gneu. rassemblait déjà plus de 6 000 abonnés pour seulement 13 tweets. Peut-être le signe d’une génération qui reste sceptique face à un trop-plein d’information vidéo qui ne fait qu’effleurer les sujets ?
Ceci pourrait expliquer pourquoi Konbini a lancé Konbini News, un espace consacré au reportage de terrain et dirigé par le journaliste Hugo Clément, ancien protégé de Yann Barthès. Le concept mélange contenus vidéos courts et reportages incarnés, empruntant à la fois les codes de la télé et ceux, plus flexibles, du web. Konbini News se veut plus qualitatif, avec notamment une verticale dédiée à la politique ou encore au féminisme, et des reportages plus longs abordant des sujets de société à travers le monde en Russie, au Honduras ou au Salvador.
Ce qui nous amène donc à nous poser la question de l’avenir de la vidéo sur internet : contenu de masse désincarné ou déclinaison alternative de la télé ?
Alexandra Corbelli