Depuis l’année dernière, le monde de l’influence est secoué par une polémique : celle des « influvoleurs ». Ce terme, popularisé en 2022 par le rappeur Booba – lui-même au cœur de diverses polémiques –, fait référence aux influenceurs des réseaux sociaux qui profiteraient de leur notoriété pour arnaquer leurs fans. Un constat toujours d’actualité, alors même que la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) annonce avoir intensifié ses contrôles sur le marketing d’influence au premier trimestre 2023. Les résultats sont sans appel : sur 50 influenceurs contrôlés, 60 % ont fait l’objet de constat d’infraction.
#Influvoleurs, le commencement
Tout commence… sur Twitter. En 2022, Booba lance les hostilités avec Magali Berdah, fondatrice de l’agence de marketing d’influence Shauna Events. Le rappeur l’accuse – elle autant que les stars représentées par son agence – d’escroquerie, en faisant notamment la promotion de produits de mauvaise qualité, voire des contrefaçons. La liste des reproches est longue ! S’ensuit alors une vague d’attaques par tweets interposés, auxquels Magali Berdah répond, les qualifiant de cyberharcèlement.
Mais Magali est loin d’être la seule personnalité à être attaquée par Booba : des personnalités tels que Dylan Thiry, Maeva Ghennam ou encore la JLC Family sont également incriminés. Ces noms issus du monde de la télé-réalité ne vous disent peut-être rien, mais sont pourtant suivis par des milliers, voire des millions d’abonnés sur leurs différents réseaux sociaux ! Dans sa quête de justice, le rappeur ne manque pas de les rappeler à l’ordre et de dénoncer leurs escroqueries publiquement.
À la fin du mois de juin 2022, Booba déclare officiellement la guerre à ces influenceurs peu scrupuleux en publiant un nouveau tweet, annonçant mettre à disposition ses équipes d’avocats pour recueillir les témoignages de toutes les victimes de ces « influvoleurs ».
En parallèle, un collectif d’Aide aux Victimes d’Influenceurs (AVI) a aussi été créé, et rassemble également les témoignages des personnes bernées par ces personnalités. En janvier 2023, on comptait plus de 90 personnes ayant porté plainte contre ces influvoleurs pour abus de confiance et escroquerie en bande organisée.
Quand le gouvernement s’en mêle
Bien entendu, le gouvernement français n’est pas resté sans réagir. Deux députés sont alors entrés en scène : il s’agit d’Arthur Delaporte et de Stéphane Vojetta. Ces derniers se sont alors mis d’accord pour rédiger une proposition de loi visant à réguler l’activité des influenceurs sur les réseaux sociaux pour mieux lutter contre certaines dérives et escroqueries constatées.
Soutenus par Bercy et la ministre des PME Olivia Grégoire, les députés ont tout d’abord voulu déterminer le statut d’influenceur, qui n’avait jusqu’alors pas de définition légale. Dans leur viseur, les arnaques, mais aussi la protection des mineurs et des consommateurs face à la promotion d’investissements ou d’actes risqués (tels que les cryptomonnaies, le trading, ou encore les jeux d’argent), mais aussi l’obligation d’ajouter la mention « image retouchée » lorsque les photos et/ou vidéos sont modifiées.
La tribune des influenceurs : un pavé dans la mare… qui flotte
Autre rebondissement à cette histoire : à l’annonce de la proposition de loi, 150 créateurs de contenu se sont mobilisés pour signer une tribune dans le JDD, où ils demandent notamment d’épargner leur modèle économique : « Nous entendons parler des “influvoleurs”, du combat à mener contre nous. Nous pensons que c’est une erreur. Qu’une minorité est devenue une généralité. Ne cassez pas le modèle vertueux que nous construisons aux quatre coins de la France avec et pour les Français. ».
Le problème ? La tribune passe mal, car elle donne l’impression que les influenceurs ne veulent pas que leur milieu soit légiféré. Le public les interpelle et certains signataires finissent même par s’en désolidariser – dont le plus connu d’entre eux Squeezie, premier youtubeur de France -, en avouant avoir donné leur accord de principe sans lire le texte.
La loi : où en est-on ?
Le 30 mars dernier, la loi proposée par Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale, suivie par le Sénat le 9 mai. Entre sanctions renforcées, obligation d’afficher la mention « publicité » et interdictions de faire la promotion de services tels que la chirurgie esthétique, les députés et les sénateurs vont désormais tenter de s’accorder en commission mixte paritaire sur une version commune du texte de loi.
Bruno Le Maire, ministre de l’économie, conclut sur LinkedIn : « La fête est finie pour certains influenceurs qui pensent pouvoir faire ce qu’ils veulent sur les réseaux sociaux. Internet ne peut plus être le Far West. L’ordre économique s’applique dans le monde réel comme dans le monde numérique. » Un petit pas pour les influenceurs, un grand pas pour la régularisation d’un secteur encore trop laissé de côté !
En fin de compte, plusieurs questions importantes se posent : comment bien collaborer avec les influenceurs aujourd’hui ? Les journalistes qui testent des produits vont-ils être concernés par cette loi ? Et surtout, comment s’assurer que la confiance du public n’est pas perdue ? Une chose est sûre : une opération menée aux côtés d’un influenceur bien sélectionné sera toujours payante mais beaucoup plus encadrée
À ce propos, rendez-vous prochainement pour la deuxième partie de cet article, où nous vous partagerons nos conseils pour collaborer efficacement avec des influenceurs !
Alix Payelleville