« La première chose que je regarde quand une marque me contacte, c’est la clarté. »
À 25 ans, Romain Piaud a fait de sa passion pour les nouvelles technologies un métier. Créateur de contenu YouTube, TikTok et Instagram à temps plein depuis février 2025, il partage ses analyses et tests de produits high-tech, mais aussi des formats plus longs et éditorialisés, mêlant analyses et interviews d’experts. Avec son style clair, analytique et accessible, il touche une communauté dont la moyenne d’âge est autour de 27-28 ans.
Dans un monde où l’influence se professionnalise et où les agences de marketing ou de relations presse sont de plus en plus amenées à collaborer avec des influenceurs, Romain nous livre un témoignage précieux. À travers cette interview, il revient sur son parcours, son quotidien, sa vision de l’évolution de l’influence dans la Tech, et surtout, ses conseils pour construire des relations solides et respectueuses entre marques, agences et créateurs.
Comment as-tu commencé à créer du contenu ?
« En 2015, avec un ami, on a lancé une chaîne YouTube sur le sport. J’avais 15 ans et ce n’était pas professionnel, c’était juste pour s’amuser. Mais on a quand même réussi à créer une petite communauté. On s’est rendu compte qu’on pouvait même générer un peu d’argent. À l’époque, c’était juste de l’argent de poche, mais ça m’a ouvert les yeux : ce n’est pas seulement un loisir, ça peut devenir un métier. »
Après quelques années consacrées à cette première expérience, Romain met en pause ses projets pour se consacrer à ses études d’informatique, puis de marketing.
« C’est à ce moment-là que j’ai appris le fonctionnement du secteur et surtout comment se professionnaliser. En 2019, j’ai lancé une nouvelle chaîne, cette fois-ci consacrée à la tech. Au début, il n’y avait pas de régularité, mais petit à petit, j’ai appris à m’organiser et à me structurer. »
Quand une marque ou une agence te contacte, qu’est-ce qui fait la différence ?
« Pour moi, la première chose, c’est la clarté. Quand le mail est clair, que je comprends tout de suite le produit, la marque et les attentes, ça donne envie de regarder. Trop souvent, les mails sont flous : pas d’image, pas d’explication, pas de valeur ajoutée. On se demande : ‘‘c’est quoi le produit ?’’. Et là, ça ne donne pas envie d’aller plus loin. »
Et à l’inverse, qu’est-ce qui peut te faire refuser une collaboration ?
« Quand je vois que la personne en face n’arrive pas à évaluer le marché de l’influence, c’est éliminatoire. Parfois, des marques étrangères ou même françaises ne comprennent pas ce qu’elles peuvent en tirer. Dans ce cas, il n’y a pas d’égalité dans la relation, donc ça ne m’intéresse pas.
Je refuse aussi quand le produit n’a rien à voir avec mon contenu. J’ai déjà reçu des mails de marques de vêtements… alors que je ne parle que de Tech. Dans ce cas, c’est ‘‘next »’’ direct.
Et enfin, quand je sens qu’il n’y a pas un minimum de professionnalisme dans l’échange. Même si ce sont que des mails, ce sont deux professionnels qui discutent. Et si ce respect n’est pas là, ça bloque. »
Quelles sont, selon toi, les bonnes pratiques qu’une agence ou une marque peut mettre en place dans le cadre d’une collaboration ?
« La clarté et le professionnalisme, c’est la base.
Ensuite, la réactivité : quand je reçois une réponse un mois après, c’est trop long. De mon côté, j’ai déjà avancé sur d’autres projets. Ça peut ruiner une collaboration, même intéressante au départ.
Enfin, les échanges doivent être fluides. Parfois, envoyer un message sur WhatsApp est plus rapide que rédiger un mail. Ça permet de dire en une minute : ‘‘Est-ce que ça le fait ? Oui/Non’’. Et on gagne du temps des deux côtés. »
Comment vois-tu l’évolution du marketing d’influence dans la Tech ?
« Il y a eu une première génération de créateurs vers 2012-2013. C’est le top 10 des créateurs qu’on connaît encore aujourd’hui. En 2020, avec le Covid et TikTok, beaucoup se sont lancés.
Aujourd’hui, le marché est en croissance. On voit que de plus en plus de marques comprennent l’importance de l’influence, ce qui n’était pas le cas il y a cinq ou six ans. Les budgets augmentent, mais ils sont répartis différemment : avant, un créateur pouvait être payé 70 000 euros pour une campagne. Maintenant, les marques préfèrent répartir entre plusieurs créateurs. Mais globalement, je ne vois pas de signaux négatifs : au contraire, le marché se structure. »
Que penses-tu de la mise en place de réglementations dans le secteur de l’influence ?
« Avant la loi du 9 juin 2023, rien n’était indiqué. En tant que viewer, on se sentait un peu lésé parfois. Aujourd’hui, mentionner une collaboration commerciale ne me semble pas contraignant. Je dois l’indiquer directement dans la vidéo avec une petite fenêtre ou un texte, et cocher la case sur YouTube pour signaler qu’il s’agit bien d’une collaboration. C’est assez simple finalement.
Ce qui est plus compliqué, c’est de savoir ce qui est réellement considéré comme une collaboration commerciale ou non. Il y a un flou. Nous avons passé une nouvelle étape, mais il reste encore du chemin à parcourir. La loi est bien adaptée aux créateurs de divertissement, mais dans des secteurs comme la tech, la science ou l’informatique, c’est plus complexe. »
Et par rapport aux journalistes, complémentarité ou concurrence ?
« Pour moi, c’est complémentaire. Les journalistes vont tester un écran en laboratoire, analyser la colorimétrie, aller très loin dans le détail technique. Moi, je vais partager mon expérience d’utilisateur : ce que je pense du produit, comment il s’intègre au quotidien.
Évidemment, il y a de la concurrence, surtout depuis que les médias se sont mis à faire de la vidéo. Mais ça marche dans les deux sens : certains créateurs ont une approche presque journalistique, avec des tests poussés. Au final, ça enrichit le marché. »
Un conseil pour ceux qui veulent se lancer dans l’influence ?
« Il faut être passionné. Sinon, on arrête vite. Dans mon entourage, j’ai vu des personnes se lancer en disant “je veux être créateur de contenu”. Mais sans passion, ça ne dure pas plus de six mois.
La passion, c’est le fil directeur qui permet de progresser et de tenir. Pour moi, la première motivation doit être : je veux partager ma passion sur Internet. »
Ce qu’il faut retenir de cet échange
L’expérience de Romain Piaud démontre que l’influence n’est pas qu’une affaire de vues ou de chiffres : c’est d’abord une question de passion et de partage,puis de relation, voire d’alchimie, entre un créateur, une marque et parfois une agence. Pour Romain Piaud, la réussite d’un partenariat repose avant tout sur des fondamentaux humains : être clair, être réactif, être respectueux.
Dans un secteur en pleine croissance, où les plateformes et les lois évoluent sans cesse, cette simplicité reste la ligne directrice. Selon Romain Piaud, « Tant que les échanges sont clairs et respectueux, il y a toutes les chances que la collaboration se passe bien. » Un rappel précieux, à l’heure où marques et agences cherchent à nouer des relations durables avec les influenceurs.
Retrouvez les contenus de Romain Piaud sur sa chaîne YouTube et ses réseaux sociaux.
Propos recueillis par Lison Ricq